au Festival de Cannes.
Vendredi, 7 mai 2004
Chers amis,
Merci pour toutes vos incroyables lettres de soutien au moment où mon
équipe et moi-même devons, une fois de plus, affronter cet asile de
fous que sont les médias officiels. Est-ce que ça ne finira jamais ?
Aura-t-on un jour de nouveau le contrôle de notre "presse libre" ?
Peut-on faire un v¦u ?
Pour faire face à cette débâcle de leur censure, la machine à
propagande de Disney n'a pas chômé. Je ne crois pas qu'ils aient
jamais pensé être un jour démasqués. Après tout, ils savent que nous
sommes tous supposés adhérer au code non-dit de Hollywood : ne jamais
dire au public comment les affaires se font ici, ne jamais le laisser
jeter un coup d'oeil sur l'homme derrière le rideau.
Ça fait presqu'un an que Disney espère pouvoir garder cette affaire
enterrée. Comme promis mercredi, voici les détails derrière mon
aventure sordide avec le Royaume Merveilleux :
En avril 2003, j'ai signé un accord avec Miramax, une branche de la
Société Walt Disney, pour le financement et la distribution de mon
prochain film, Fahrenheit 9/11(note) (l'organisme financier prévu au
début s'était retiré ; je raconterai cette histoire-là plus tard).
Dans mon contrat il est dit que Miramax distribuera mon film aux
États-Unis par l'intermédiaire de Buena Vista Distribution, la
branche distribution de Disney. Le contrat donne aussi à Miramax les
droits pour distribuer et vendre le film dans le monde entier.
Un mois plus tard, le tournage avait commencé, Michael Eisner insista
pour rencontrer mon agent, Ari Emanuel. Eisner était furieux que
Miramax ait signé cet accord avec moi. D'après M. Emanuel, bien que
M. Eisner n'ait vu aucune scène ni lu le résumé du film, celui-ci
affirma qu'il ne laisserait jamais faire la distribution du film par
Disney. Eisner dit à mon agent qu'il ne voulait pas déclencher la
colère de Jeb Bush, le gouverneur de Floride. Il était persuadé que
le film rendrait plus compliquée une situation qui l'était déjà, avec
des projets en cours et à venir en Floride, et que des millions de
dollars d'abattements fiscaux et de primes étaient en jeu.
Mais Michael Eisner n'a pas appellé Miramax pour leur dire d'arrêter
mon film. Non seulement ça, mais au cours de l'année suivante SIX
MILLIONS de dollars de l'argent de Disney continuèrent à être versés
dans la production du film. Miramax m'assura qu'il n'y avait aucun
problème de distribution avec mon film.
Et puis, il y a quelques semaines, quand Fahrenheit 9/11 s'est trouvé
sélectionné pour aller au Festival de Cannes, Disney envoya à New
York un cadre de production de bas échelon pour voir le film (à ce
jour, Michael Eisner n'a toujours pas vu le film). Ce cadre a été
enthousiaste tout au long de la projection. Il a ri, il a pleuré et à
la fin il nous a remerciés. "Ce film est explosif" s'est-il exclamé,
et nous avons pris ça comme un signe positif. Mais pour ces gars-là,
"explosif" n'est un bon mot que quand on fait sauter quelque chose
dans les films. Mais NOTRE genre d'"explosif", ils veulent l'éviter
au maximum.
Miramax a fait de son mieux pour convaincre Disney de continuer comme
prévu avec notre film. Par contrat, Disney ne peut empêcher Miramax
de sortir un film que si celui-ci a été coté NC-17 (1) (le nôtre sera
coté PG-13 ou R) (2, 3).
Selon le New York Times d'hier, la question de la sortie ou non de
Fahrenheit 9/11 a été discutée lors de la réunion du conseil
d'administration de Disney la semaine dernière. La décision fut que
Disney ne devrait pas distribuer notre film.
Plus tôt dans la semaine, nous avons reçu l'appel final, officiel :
Disney ne sortira pas Fahrenheit 9/11. Quand l'histoire a paru dans
le New York Times, au lieu de dire la vérité, Disney s'est transformé
en Pinocchio.
Voici mes perles préférées, tout droit sorties de la bouche de leurs
maîtres-en propagande (citées de mémoire) :
"Michael Moore sait depuis un an que nous ne distribuerons pas ce
film. Ce n'est donc pas une nouvelle". Oui, c'est ce que je pensais
aussi, sauf que Disney a continué à nous envoyer tout cet argent pour
faire le film. Miramax a dit qu'il n'y avait aucun problème. J'ai eu
l'impression que tout allait bien.
"Il n'est pas dans l'intérêt de notre société de distribuer un film
politique partisan qui peut offenser certains de nos clients". Hum.
Disney ne distribue pas de travail qui a une politique partisane ?
Disney distribue et syndique le Sean Hannity Radio Show (4) tous les
jours. Je peux écouter tous les jours Rush Limbaugh (5) sur WABC dont
Disney est propriétaire. Il me semble aussi me souvenir que Disney a
également distribué un film politique très partisan au cours d'une
année d'élections du Congrès, 1998 - un film intitulé The Big One...
de... hum... MOI !
"Fahrenheit 9/11 n'est pas le style Disney ; nous sortons des films
destinés aux familles". C'est si vrai. C'est pour ça que le film
Disney numéro 1 dans les salles en ce moment est un film qui
s'appelle KILL BILL, VOL. 2. Cet excellent film Miramax ainsi que
d'autres classiques comme Pulp Fiction ont tous été distribués par
Disney. C'est pour ça que Miramax existe : pour offrir une
ALTERNATIVE au répertoire Disney habituel. Et Disney les a
distribués, sauf quand ils étaient cotés NC-17.
"M. Moore fait ça pour faire un coup de publicité". C'est ce que
Michael Eisner a dit l'autre jour, au cours d'un autre coup
publicitaire, alors qu'il coupait le ruban de la nouvelle "Tour de la
Terreur" (quel nom sympathique si l'on songe à tout ce que le pays a
connu ces derniers temps) au Parc d'Aventures Disney en Californie.
Laissez-moi vous dire quelque chose : AUCUN réalisateur ne veut
passer par ce genre de controverse. Ça ne fait PAS vendre de billets
(je peux citer de nombreux exemples de films qui ont dû changer de
distributeur à la dernière minute, et ils ont tous fait un bide).
J'ai fait ce film pour que les gens puissent le voir aussi rapidement
que possible. C'est là un contre-temps énorme et non voulu. Je veux
que les gens discutent des questions posées dans mon film et non d'un
tohu-bohu interne à Hollywood à propos de qui va envoyer les copies
dans les salles. En plus, je pense qu'on peut dire avec pas mal de
certitude que Fahrenheit 9/11 a toutes les chances de bien se
comporter, si l'on considère que mon dernier film à battu un record
au box office et que son sujet (Bush, la guerre à la terreur, la
guerre en Irak) occupe une place prépondérante dans l'esprit des gens.
Alors qu'est-ce qui va arriver à mon film ? Je ne sais toujours pas.
Ce que je sais, c'est que je vais faire en sorte que vous le voyiez
tous, d'une façon ou d'une autre. Nous sommes Américains. Il y a un
tas de choses qui ne tournent pas rond chez nous en ce moment, mais
il y a une chose que nous avons presque tous en commun : nous
n'aimons pas que quelqu'un nous dise qu'on ne peut pas voir quelque
chose. Nous méprisons les censeurs, et les pires censeurs sont ceux
qui osent limiter les pensées, les idées et faire taire la
dissidence. ÇA, c'est non-américain. S'il me faut traverser le pays
et montrer le film dans les parcs des villes (ou, comme l'a proposé
quelqu'un hier, le projeter sur le mur de sa maison pour que le
voisinnage le voit), je le ferai.
À suivre, restez à l'écoute.
Bien à vous,
Michael Moore
mmflint@aol.com
www.michaelmoore.com
Notes des traducteurs :
(1) NC-17 = No one under 17 admitted (Interdit au moins de 17 ans)
(2) Rated PG-13 = Parents strongly cautioned : Some material may be
inappropriate for children under 13. (Les parents sont fortement mis
en garde, le film peut contenir des séquences inappropriée pour les
enfants en-dessous de 13 ans).
(3) R = Restricted (les moins de 17 ans doivent être accompagnés d'un
adult dans certains états ayant plus de 21 ans)
(4) Sean Hannity, connu pour ses prises de position très
conservatrices, anime une émission à la chaîne de télévision Fox Nexs
(5) Rush Limbaugh, un animateur de radio très à droite avec une cote
de popularité très élevé.
(Traduction bénévole du rezo des Humains Associés)
Fahrenheit 9/11 est un mélange du titre de célèbre roman de
science-fiction de Ray Bradbury porté à l'écran aux Etats-Unis et en
France, et de la date 11 septembre (9/11 en anglais).
Fahrenheit 451
Fahrenheit 451 est un roman de Ray Bradbury. Le titre fait reference
à la température, en degré Fahrenheit, à laquelle le papier commence
à brûler. Bradbury décrit un avenir où les livres sont brulés.
François Truffaut en a fait un film, sorti en 1966, avec Oskar
Werner, Julie Christie, Cyril Cusack, Anton Diffring
Cette incursion de Truffaut dans la science-fiction lui permet à la
fois d'explorer un futur plausible et de dénoncer les risques des
avancées techniques dans un régime totalitaire. Une partie de son
enfance, marquée par son amour des livres et le nazisme qui brûlait
ces livres dans les rues apparaissent.
Derrière chaque livre, il y a un homme, et là, dans cette situation
exceptionnelle, chaque dissident devient un livre. Mais la fin n'est
pas très optimiste, car cette identification et cette préservation
d'un patrimoine culturel empêche toute autre communication entre les
individus.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fahren...
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(traduction des Humains Associés)
http://paxhumana.info/article.php3?id_article=450
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http://www.cyberhumanisme.org - http://humains-associes.org
Info liste (archives) : http://listes.fluxus.net/wws/arc/agora
Sciences, philo, technologies, écologie, nethique...
"Je suis homme et rien d'humain ne m'est etranger"