Tu t’es assise au bar,
Sur un haut tabouret,
Les jambes croisées,
Une main sur un genou.
Moi, debout à côté,
Sans possession,
Sans protection.
Le cliquetis des verres
Rythme nos regards.
C’est rare de te voir
Dans une robe noire.
C’est rare que tu montres
Tes jolies jambes,
Tes pieds cambrés,
Dans un escarpin.
Tout droit peut-être réservé.
J’espère qu’il sait apprécier.
Mais en fait,
Pourquoi es-tu là ?
Tu n’aimes pas le jazz,
Ni la fumée des cigares,
Enfin, je le pense.
C’est pas que ça me déplaise
Mais je ne suis pas à mon aise,
Mon petit « Punch » au bec,
Un "coronation" cubain,
Écran de fumée,
Pour me protéger.
Ce que je t’ai aimée
Et jamais haï.
Ce que je ne t’ai pas oubliée
Malgré les années.
J’ai été étonné
Que tu ais accepté.
Encore plus étonné,
De te voir habillé
D’une robe noire
Moins femme endeuillée,
Que "charmantement" fatal.
Enfin, cela m’est bien égal.
Tu es là ce soir
Et nous échangeons nos regards,
Pas seulement par hasard…
Derrière nous, un piano
Remplace nos mots
Et une contrebasse
Qui devant ton corps
S’efface sans effort.
Je suis toujours aussi empoté.
Avec toi, cela ne pouvait qu’arriver.
C’est jamais su te dire
Que nous pourrions avoir un avenir.
Alors, je préfère regarder
Le balancement de ton pied
Qui bat la mesure
De cet immense mur
Qu’il y a toujours eu
Entre nous, malentendu.
Un saxo fait un rot
Et moi, je ne sais plus trop.
Tu n’es pas libre
Tu n’es pas ivre
Moi, non plus.
Tu l’auras voulu.
Je laisse mon havane
Dans un cendrier,
Et moi, à la pavane.
Je vais t’embrasser.
Tu pourras toujours me gifler
Et moi, le regretter
Mais pour avoir attendu
Aussi longtemps le goût
De ta bouche
Jamais je n’aurai vécu
Si je ne tirais cette cartouche
D’un baiser espéré doux.
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